"Arrivé
à l'aérodrome, j'aperçois les hangars le long de la piste. Tout au bout, un bâtiment
d'une centaine de mètres avec un petit encart jaune sur la porte : ULM. À
l'intérieur, différents modèles du planeur Ultra Léger Motorisé se laissent
admirer : du paramoteur (un aéronef coiffé d'une voilure dont la forme
ressemble à celle d'un parachute), à la réplique exacte d'un avion de la
Première Guerre mondiale.
Avant de m'inviter à monter à bord d'un modèle pendulaire (un chariot de deux
places relié par de solides montants fixés au centre de gravité de la toile),
François Denis, président de l'association ULM Sommer Passion, effectue un
briefing sur les instructions à respecter en vol : « Lorsqu'on démarre le
moteur, il faut maintenir le frein enfoncé pour éviter que l'hélice ne nous
propulse brusquement en avant. » Revêtu d'un anorak pour se protéger des
coups de vent, il se positionne ensuite à l'arrière où il assiste la
direction.
Concentration et rigueur
Parvenu sur la piste, l'appareil se prépare à décoller selon le protocole de
sécurité de l'aérodrome. Une pression constante avec la pointe du pied droit
lui donne de la vitesse… Le vent soulève les voiles. François Denis relève
progressivement la barre, les roues commencent à quitter le sol. L'appareil
prend de l'altitude en quelques secondes.
En dessous, les baigneurs du plan d'eau de Douzy rapetissent. Les arbres
ressemblent à des tâches vertes qui ponctuent les carrés de champs et les
courbes sinueuses de la Meuse et de la Chiers. « Nous volons à 90 km/h »,
indique François Denis. Le paysage s'étend, comme figé, sous mes yeux. Sur la
toile, le vent exerce une pression régulière qui impose de redresser la barre
avec des gestes doux et minutieux pour éviter tout risque de changement de
direction.
L'ULM obéit au moindre mouvement : un tressautement impulsif et le cap change
brusquement. Frayeur garantie. L'inconscience et l'agressivité ne se marient
pas avec le pilotage aérien. Assis sur le siège, les pieds posés sur les pédales
d'un appareil poussé par une hélice au bruit inaudible, j'ai la sensation de
flotter au-dessus des étendues vertes, surplombant la circulation des voitures
ou les animaux dans les champs.
Même à trois cents mètres de hauteur, le château de Sedan se distingue
encore largement du reste de la ville. L'ULM vire de bord et survole Bazeilles.
Puis la piste se profile, la descente s'amorce, toujours dans cette atmosphère
de concentration, où les gestes sont précis.
L'herbe se rapproche. Son contact avec les roues entraîne des secousses. Les
premiers pas sur la terre ferme amènent une étrange impression.
Les jambes tremblent un peu et renouent avec la loi de la gravité. N'empêche…
on a encore la tête dans les nuages !
Samuel LAPORTE"
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